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Série d’hiver. Pornographies mots-désir

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239033929_4f48431f98Les aventures, par définition, sont imprévisibles et surprenantes. J’avais rédigé la série de l’été 2011, “Signes, sexe and linguistique“, comme une exploration d’un terrain très peu fréquenté en linguistique, celui des discours autour du sexe, de l’érotisme et de la pornographie. En 2014, les études pornographiques, pour le moment confidentielles et balbutiantes en France, et quasiment absentes des sciences du langage, vont s’enrichir de travaux en analyse du discours et en info-com, travaux qui, je l’espère, pousseront les chercheurs à parcourir ce passionnant et riche domaine. D’une petite série à un dynamisme collectif, voilà une belle aventure scientifique.

En France, il existe une longue tradition du mot grivois, liée au purisme et à cet attachement passionnel à la langue qui est presque un trait national (ou un symptôme conservateur, comme on voudra), tradition qui s’incarne dans l’immense corpus des dictionnaires sur la question : on ne compte plus les ouvrages, petits lexiques éphémères ou gros ouvrages de référence, qui traitent de cette inépuisable matière lexicale. Mais hors des listes, des jeux de mots et de ce parler cul assez typique d’une culture mâle hétérocentrée à la française, pour laquelle un viol est un troussage de domestique et une main au panier un hommage aux formes féminines, il n’existe guère de lieu où l’on parle sérieusement de cette affaire-là. En 1984, déjà, Gayle Rubin déclarait : “Il est grand temps de parler du sexe”. Parler du sexe, c’est-à-dire ouvrir un champ d’études en sciences humaines et sociales, mais aussi permettre, pour des raisons politiques, éthiques, sociales et culturelles, humanistes en un mot, que le sexe ne soit plus si tabou dans la société américaine comme ailleurs, que le travail du sexe soit reconnu, que les pratiques sexuelles de chacun soient respectées, que la pornographie ne soit plus dominée par une industrie mainstream stéréotypée mais s’ouvre à la créativité des sexualités plurielles, que la pornographie, enfin, soit considérée comme ce qu’elle est, c’est-à-dire une forme culturelle.

En France, pour le moment, ce sont surtout la philosophie (Ruwen Ogien, Beatriz Preciado) et la sociologie (Marie-Hélène Bourcier, Patrick Baudry, Mathieu Trachman) qui ont accueilli des travaux sur la pornographie, sans que l’étiquette études pornographiques, traduction de l’anglais porn studies, ne soit encore installée. Aux États-Unis et en Grande-Bretagne, les porn studies sont implantées dans les cultural studies depuis les années 2000, l’expression ayant été lancée par Linda Williams en 2004 dans le collectif de référence Porn Studies. Dans quelques mois, sortira en Grande-Bretagne la première revue entièrement consacrée à la question, intitulée Porn Studies, fondée par Feona Attwood et Clarissa Smith et publiée par le prestigieux éditeur Taylor & Francis.

En France, l’année 2014 sera donc pornographique, en analyse du discours tout du moins : en mai sortira l’ouvrage que j’ai rédigé à partir de la série de 2011, Le discours pornographique, aux Éditions de la Musardine dans la collection “L’Attrape-Corps”. Je reparlerai de cette collection, dont je m’occupe désormais, et dont j’aimerais faire un lieu d’accueil pour des travaux sur les questions qui, au delà de la pornographie, touchent au sexe, aux sexualités, aux émotions, au corps et à ses imaginaires, ses techniques, ses modifications, etc. L’amie Anne Verjus, dont les travaux sur la famille et les sexualités nourrissent le domaine, m’a gentiment invitée à présenter ce travail au séminaire “Genre et politique” de l’équipe Triangle à Lyon en mars, dont le programme est par ailleurs varié et passionnant. À la fin de l’année, un numéro de la revue Questions de communication, consacré à “la pornographie et ses discours”, et coordonné par François Perea et moi-même, proposera une synthèse qui permettra de prendre connaissance des travaux de chercheurs en analyse du discours, info-com, histoire, littérature.

Du côté de la littérature justement, la première synthèse en français intitulée Introduction aux études pornographiques, rédigée par François-Ronan Dubois, un de mes voisins rédacteur du carnet Contagions, paraîtra dans quelques mois aux Éditions des Impressions nouvelles. Aux PUF, est également prévu (et très attendu) un ouvrage de Stéphanie Kunert sur la pornographie féministe pour la fin de l’année. Je mentionne bien sûr seulement les travaux que je connais, mais la dynamique est bien présente dans l’ensemble des SHS. Ces derniers temps en effet, les collectifs sur la pornographie se sont multipliés : un numéro de la revue Proteus, un autre de Rue Descartes, un dossier sur nonfiction. Philosophie, sociologie, littérature, géographie, analyse du discours, linguistique, info-com : on assiste à la mise en place d’un véritable domaine en France, très certainement permis par l’heureux développement des études de genre, qui a ouvert des possibles scientifiques auparavant fermés par le lourd académisme de la recherche.

C’est dans cet esprit que j’ai décidé de consacrer ma série d’hiver aux mots-désir des pornographies, le pluriel signifiant bien sûr que toutes les sexualités sont considérées, et le terme désir étant là pour inverser les polarités sémantiques du terme pornographie, qui porte une lourde charge négative en français : comme Annie Sprinkle, et d’autres après elle, je pense que “The solution to bad porn isn’t no porn, it’s better porn”, et c’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles j’accorderai un intérêt plus marqué aux postpornographies féministes : elles me semblent proposer les renouvellements, les ouvertures, les créativités et les libérations les plus importants, sur le plan politique en particulier.

Il y aura donc dans cette série des mots, beaucoup de mots, par exemple ceux que permettent de construire les éléments porno et porn, mais aussi des sluts, des whores et des goddesses, un compte rendu de l’excellent Feminist Porn Book, des manifestes, du latin et de l’anglais, un Che avec des seins, des discours en première personne, des éléments de stylistique et de la sexécologie verte, très verte…

Crédit : “porn Art new 6″, ween23, 2006, galerie de l’auteur sur Flickr, CC

Prochain Billet : Pornographies mots-désir 1. Morpholexicologie : les éléments porn et porno

Pour citer ce billet. Paveau M.-A.,  30 décembre 2013, “Série d’hiver. Pornographies mots-désir”, La pensée du discours [Carnet de recherche], http://penseedudiscours.hypotheses.org/?p=12668, consulté le… 


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